Dès que j’ai commencé à les raconter, les deux histoires intitulées « Katyń ou les retournements de la mémoire » et « Oświęcim ou le périmètre de la mémoire » me sont apparues comme deux chapitres d’un même livre, vision évidemment renforcées par la forme narrative de ces deux récits photographiques.
En 2019, après avoir complété l’histoire de Katyń par un épilogue écrit à Varsovie, j’ai contacté Claire Jolin (les éditions Orange Claire) pour qu’elle me conseille dans la mise en forme d’un livre. Sa réponse fut sans ambiguité : « je veux bien t’aider, à condition que ce soit moi qui édite le livre ». J’avais trouvé en une seconde une conseillère et une éditrice en qui j’avais pleine confiance. Plusieurs séances de travail se sont succédées, construisant à quatre mains une forme-livre qui transcende chaque histoire pour se présenter comme une sorte de représentation plastique du travail de décomposition et recomposition de la mémoire : si chaque histoire est un fragment de mémoire, le livre, lui, fonctionne comme une expérience mémorielle. Pour créer cette forme avec une matière artistique qui n’était pas la sienne, Claire a une part si importante qu’elle est créditée en tant que dessinatrice du livre, une dénomination peu commune mais finalement très juste. En écrivant ce récit, je suis conscient de son peu de poids au regard des évènements historiques dans lesquels il prend place. J’ai longtemps cru que ces évènements en étaient la matière-même, mais je sais maintenant qu’il s’agit d’autre chose… Cette autre chose, c’est le livre que vous aurez bientôt entre les mains. Un livre sur la mémoire qui agit à deux niveaux. Descriptif : il raconte des histoires (vraies) et suit leurs évolutions à travers le temps. Actif : dans sa relation au lecteur, le livre opère le même travail que celui qui s’effectue dans la mémoire du narrateur. Le livre transforme, associe, recouvre. Le sens s’y disperse et s’y recompose. C’est là que réside sa seule vérité. Celle d’un moment, d’une conscience. C’est un livre sur l’expérience de la mémoire. Après, on oublie.